MARDI 22 MAI 2012
Une insoutenable détresse pénible à montrer, tant son origine est douloureuse ...
Ce nouveau dessin évolutif s'étendra pas à pas sous vos yeux.
De jour en jour peut-être.
Ou à intervalles plus espacés, je ne sais ...
... comme pour chacun de mes dessins qui, entre leurs premiers traits jusqu'à leur achèvement, voient s'écouler de nombreuses journées voire même plusieurs semaines ...
... en fonction du temps libre que je parviendrai à aménager dans mes journées déjà bien occupées ; ce temps libre nécessaire à la publication du dessin qui s'agrandira, nécessaire à l'élaboration des mises à jour de l'article ou l'écriture des réponses à vos commentaires ; ce temps libre trop court qui justifiera, à lui seul, l'un ou l'autre intervalle ... trop long !
Progressivement, je vous montrerai donc - avec ce dessin en noir et blanc à tel point réaliste qu'il nous sera pénible de le regarder - là où mes mines m'ont mené, et je vous parlerai de l'histoire d'une dure scène de vie qui n'aurait pas dû pouvoir exister.
En finale, je vous présenterai sans doute la photo - d'une détresse insoutenable - qui m'a inspiré ce dessin.
Si vous le souhaitez.
MERCREDI 23 MAI 2012
Je savais d’emblée que la publication des premiers traits de ce dessin et des quelques explications qui s’ensuivaient, risquait d’interpeller. Les six premiers commentaires reçus en témoignent. Permettez-moi de les répercuter ici, ainsi que les réponses sincères apportées hier soir.
Oui, je l’explique, j’hésitais depuis longtemps à dévoiler ici, pas à pas, ce portrait d'enfant en profond et douloureux désarroi ; une insoutenable détresse provoquée par la folie meurtrière des adultes, quelque part sur le continent africain.
Alors, puisque j’avais ressenti - dès l’instant où je l’avais découverte - l’envie de dessiner cette douloureuse photo d’un photographe de presse de guerre, et puisque je ressentais la même envie de vous la montrer, nul besoin de réfléchir plus longuement. Il me fallait suivre mes sentiments, mes envies, mes besoins.
Hier soir (tout en jonglant avec mes portemines sur quelque détail des cheveux d'un autre portrait d'enfant, très différent, qui m’inspire depuis quelques jours), j’ai alors longuement réfléchi à cette question : "Puis-je ainsi montrer, quitte à ce que cela ressemble à un naïf apitoiement, telle image choquante ?". Oui, il me paraît préférable d’éprouver une profonde compassion face aux souffrances absurdes que des enfants sont obligés de subir, à cause de la folie humaine : rester indifférent ou insensible serait par contre inadmissible. Pire encore serait de se voiler la face et de ne pas juger opportun de montrer ces souffrances que personne ne réussira jamais à justifier raisonnablement.
Essayez d'imaginer, chers lecteurs, dans les jours qui viennent, en observant l'avancement régulier de mon dessin, l'état d'esprit du photographe à cet instant précis où il a osé – sans nul doute un réflexe « réfléchi » - appuyer sur le déclencheur, face à cette terrible scène : vous comprendrez bientôt l’intensité de l'instant. Pour cet homme témoin d’un drame indescriptible, il s'agissait d'un devoir de mémoire !
Moi-même, j’ai alors consacré des heures, des jours, à traduire avec mes mines cet instant, cette émotion, ce devoir. Je ne le regrette pas. Après tout, le bandeau d'accueil de mon blog ne comporte-t-il pas ces mots chargés de sens : ATTRAITS, EMOTIONS ET DESSEINS ?
JEUDI 24 MAI 2012
"Ma détresse est profonde. Injustifiée. Incompréhensible.
Mais je la surmonterai, il le faut, il s’agit de tenir bon !
Tenir, avant tout, il le faut.
Je suis épuisée.
Je n’en peux plus.
Je vais m’écrouler.
Abandonner.
Oh, je pleure ? Non, vite, j’essuie ces larmes inutiles ... Courage, il le faut.
Oui, il faut tenir : je dois nous sauver. La sauver.
Vite, je sèche ces larmes qui m’envahissent, ces larmes inutiles qu’il me faut contenir.
Réprimer.
Réprimer ... Répression ... Que ces mots sont terribles, quand cela vous arrive ...
Vite, je dois surmonter ces sentiments de total abandon, d’impuissance qui m’envahissent !
Je dois survivre. Me sauver. La sauver.
Que faire ? Comment faire ? Je suis épuisée. Je n’en peux plus.
Où aller ?
Comment fuir ?
M’en aller pour fuir où ?
Fuir et les retrouver. Où les retrouver ?"
Protégée, cette fillette en fuite à l'est du Congo,
pensait probablement ces mots,
les murmurait peut-être ...
Protégée, cette fillette en fuite à l'est du Congo,
aurait sans doute bien aimé que son prénom lui porte chance, à ce moment !
VENDREDI 25 MAI 2012
Et si l'on parlait un brin des traits et détails de mon dessin ?
N'oublions pas pour autant l’horrible drame qui se joue sous nos regards impuissants.
Au contraire : observons-le de plus près.
De cette fillette, vous percevez au premier coup d'oeil la tristesse, la peine, la douleur. Pourtant, ce visage est si peu visible ... Dès lors, je crois que la surprenante attitude de cet enfant à elle seule - ce bras qui, par-dessus le col du T-shirt, essuie des pleurs - permet de ressentir la profonde douleur que l’enfant éprouve, que l'enfant ne peut réprimer, que l'enfant parvient avec peine à maîtriser.
Observez attentivement, si vous le voulez bien, les cheveux : ils m'ont donné ... beaucoup de fil à retordre. La nature a certes admirablement réussi son oeuvre en créant ces cheveux crépus, très denses et vrillés, un rempart naturel contre les attaques du soleil, évitant ainsi des souffrances au cuir chevelu ; mais croyez-bien qu'ils n'étaient pas aisés à représenter.
Observez aussi, mais sans doute l'aviez-vous déjà remarqué, l’œil que l’on devine fermé et les sourcils relevés. Ou encore cette joue creusée et ces petits boutons d'acné sur la peau. Ou enfin le relief du col du T-shirt souligné méthodiquement par les traits parallèles de mes portemines.
C’est le bras qui essuie les larmes : parce que les doigts de la main s’agrippent au tissu, pour une raison importante, primordiale ... que vous ne comprendrez que plus tard.
Observez enfin les rayures du tissu : la tâche se révèle bien plus ardue que je ne l’imagine. En réalité, vous le découvrirez plus tard sur la photo couleur, quatre coloris le composent : des lignes bleues et roses côtoient d'autres beige clair et beige plus foncé. Pas facile de traduire ces teintes en noir et blanc.
Puis, il me faut impérativement mettre en valeur les plis formés par ces doigts agrippés au tissu. Et les rayures doivent se prolonger, correspondre d’un pli à l’autre. Vraiment, ce n’est pas une sinécure !
Je vous quitterai ce jour en vous priant de m'excuser : je vous ai involontairement - oh, la méprise n'est pas bien grave, mais importante pour la suite du dessin - induits en erreur. Il ne s'agit pas d'une fillette comme je l'ai à plusieurs reprises prétendu, mais plutôt d'une adolescente : en découvrant la nouvelle étape ci-dessous du dessin, vous en aurez la preuve en regardant l'épaule que le tissu glissant sur la peau dévoile ...
DIMANCHE 27 MAI 2012
Protégée, cette jeune fille congolaise, souffre.
Pourquoi ces larmes essuyées sur le col du T-Shirt, du revers du bras?
Pourquoi ce bras tendu vers l'arrière ?
Vous souvenez-vous ? A l'automne 2008, le Nord Kivu, au Congo, est en pleins troubles. Partout, des milliers et des milliers de civils sont forcés à fuir les combats. Malgré la présence des troupes des Nations-Unies. La plus forte présence au monde.
Protégée, au milieu d'une foule d'un millier d'autres fuyards, marche depuis trois jours. Elle a parcouru une vingtaine de kilomètres, après avoir été séparée de sa mère alors qu'elle fuyait son village. Protégée soutient d'un bras, sur son dos, sa petite nièce Reponse, effrayée, qui s'agrippe à elle de toutes ses forces ... Terrorisée, comme elle !
Protégée protège ... Il le faut.
Il faut sauver Reponse. Il faut la sauver. Il faut se sauver.
Il faut retrouver ses parents. Les siens. Les leurs.
Pour elle. Pour elles.
Il faut, il faut, il faut ... Il le faut.
DIMANCHE 3 JUIN 2012
« Trois millions de morts, c’est ce qu'on appelle une crise de basse intensité. Peu de grands titres dans la presse. Pas de manifestations, de collectes de fonds. Les chanteurs sont muets, les pétitionnaires aussi. Qui soutenir dans une affaire aussi compliquée ? Où sont les bons, les méchants, les persécutés ? ».
Cette citation de Colette Braeckman (Les nouveaux prédateurs. Politique des puissances en Afrique centrale, Fayard, 2003), journaliste belge spécialiste de la République Démocratique du Congo, résume assez bien le questionnement que l’on est en droit d’avoir – et qui est le mien - à propos des violences connues par ce pays.
Trois millions de morts ... en 2003, date de la publication du livre. A ce jour, sans doute près de 4 millions ... La RDC traverse une succession de conflits depuis le début des années 90. Si le pays semblait avoir retrouvé une certaine stabilité sous Joseph-Désiré Mobutu, le « léopard de Kinshasa », entre 1965 et 1997, les tensions s’étaient ravivées dans les années 90. Le pays a connu des affrontements armés entre différentes communautés, d’autres violences découlant de l’épisode tristement célèbre du génocide rwandais de 1994, puis deux guerres, baptisées prosaïquement première et deuxième guerre du Congo. Le premier conflit (1996-1997) a vu la chute de Mobutu, évincé par Laurent-Désiré Kabila, tandis que le second (1998-2003) a opposé la RDC à certains de ses voisins, tout en étant soutenu lui-même par d’autres Etats limitrophes.
Depuis, tous les problèmes à l’origine des différents conflits sont loin d’être réglés : entre octobre 2008 et janvier 2009, date de son arrestation, l’offensive du général Laurent Nkunda - officier rebelle tutsi soutenu par le Rwanda, qui s'illustra déjà en 2002 lors des massacres de Kisangani - , est là pour rappeler que la RDC est toujours enlisée dans une guerre larvée – qui fait rage depuis une vingtaine d'années - ravageant une grande partie de l’est de son territoire.
Cette photo que j'ai dessinée, cette image de Protégée portant à bout de bras sa nièce Reponse a été prise le alors que les forces de Nkunda intensifiaient leur offensive sur le Nord Kivu, forçant des centaines de milliers de personnes à fuir les combats, et ce malgré la plus forte présence des troupes des Nations-Unies au monde.
Mardi, je vous raconterai ce terrible jeudi 6 novembre 2008 !
MARDI 5 JUIN 2012
Kiwanja : le Srebenicza du Congo
Selon un rapport de l’organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW) publié en décembre 2008 à Kinshasa, au moins 150 civils (186 selon la Croix Rouge) ont été tués les 4 et 5 novembre de cette même année dans la ville de Kiwanja, dans l'est de la RDC, la plupart exécutés sommairement par la rébellion de Laurent Nkunda, ces exécutions dont furent témoins Protégée et sa nièce Reponse, ces exécutions qui les obligèrent à fuir la ville pour tenter de sauver leur vie ...
Sur base de plus de cent entretiens, HRW estime qu'au moins 150 habitants de Kiwanja ont été tués les 4 et 5 novembre à Kiwanja. La plupart des personnes tuées à Kiwanja ont été exécutées sommairement le 5 novembre par les forces du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) du commandant rebelle Laurent Nkunda, assure HRW. Il s'agit du pire massacre dans la province du Nord-Kivu en deux ans. HRW dénonce des crimes de guerre commis par les deux parties, assurant que les rebelles de Laurent Nkunda et les milices Maï-Maï (des combattants irréguliers congolais qui coopèrent parfois avec les forces gouvernementales mais agissent aussi en francs tireurs) ont délibérément tué des civils au cours des deux derniers jours. Avec une virulence exceptionnelle, HRW met en cause les Casques bleus, qui disposent d’une base à Kiwanja : ils n’ont pas pris les mesures adéquates pour protéger les civils et n’ont mené que quelques patrouilles pour limiter les violences. HRW conclut : ces casques bleus, dont c’est pourtant le mandat, sont tout simplement incapables de protéger les civils qui sont délibérément visés.
La ville de Kiwanja, située à environ 80 km au nord de Goma, la capitale du Nord-Kivu, était passée sous contrôle rebelle le 29 octobre. Mais des milices pro gouvernementales Maï-Maï avaient brièvement repris la localité le 4 novembre. Le 5 novembre, le CNDP avait lancé une contre-offensive. Après avoir rétabli leur contrôle sur Kiwanja, les rebelles ont lancé une opération brutale contre les éventuels combattants Maï-Maï restants ou leurs sympathisants supposés, affirmait HRW.
un dessin de 30 X 40 cm
Colette Braeckman (voir mise à jour précédente) relate ainsi ce drame humain (extraits choisis).
Au secours… Les hommes en armes passent de maison en maison. Ils s’emparent de tous les garçons et jeunes hommes et leur fracassent le crâne. Une femme de Kiwanja m’a appelée jeudi soir en pleurant, disant que les militaires de Laurent Nkunda étaient en train de massacrer la jeunesse de Kiwanja depuis mercredi à 13 heures. Ils font une opération de porte-à-porte pour enlever et tuer les jeunes garçons et filles entre 12 et 33 ans.
Des messages de détresse venus de Kiwanja ont commencé à affluer en Europe dès mercredi soir, deuxième jour des assassinats. Sur le terrain, les équipes de l’ONU, qui ont une base militaire à Kiwanja même, ont commencé à enquêter dès … vendredi midi sur d’éventuelles violations des droits de l’homme afin de déterminer les responsabilités. Il est vrai que, tentant des sorties, les Casques bleus ont à plusieurs reprises été la cible de tirs croisés et qu’ils ont tenté de protéger les réfugiés qui s’étaient placés sous leur protection aux abords de la base. Dès mercredi cependant, des journalistes se sont déjà rendus sur le terrain, dont Thomas Scheen, reporter pour le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Des reporters de la BBC ont également gagné Kiwanja jeudi. Ils ont vu des cadavres gisant dans les maisons et enregistré des récits d’horreur.
Des civils massacrés pratiquement sous les yeux de Casques bleus impuissants ou indifférents. Kiwanja serait-il un Srebenicza congolais ? A la décharge des soldats de la paix, un porte-parole de l’ONU a cependant déclaré que les soldats ne pouvaient tirer sur les rebelles, car ces derniers étaient entourés de civils qui couraient dans toutes les directions …
Chers visiteurs de mon monde de dessins au portemine, avant de vous quitter, je dois encore vous préciser que la prochaine mise à jour de cet article ne paraîtra qu'aux alentours de la mi-juin ! Non pas que je veuille prolonger inutilement le suspense - il serait ici inapproprié -, mais tout simplement parce que dès demain je m'envolerai vers d'autres cieux, sans doute plus ensoleillés que ceux d'une Belgique bien pluvieuse en ce moment (ce ne sont pas mes fidèles lecteurs belges qui me contrediront !).
DIMANCHE 17 JUIN 2012 : VOYEZ L'ARTICLE SUIVANT EN CLIQUANT ICI ...
MISE A JOUR DU 8 FEVRIER 2013
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